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De Madame Royale à Louisville, le destin d’une statue de Louis XVI

02 Juin 2020 Franz de Burgos



La dégradation survenue vendredi 29 mai 2020 à Louisville, capitale de l’état nord-américain du Kentucky, d’une statue monumentale en marbre du Roi Louis XVI, nous donne l’occasion d’évoquer l’histoire de cette statue historique, symbole éclatant de l’amitié unissant la France et les Etats-Unis d’Amérique. L’hommage de Montpellier au « Roi Martyr » Lors du rétablissement de la royauté en 1815, les édiles municipaux de Montpellier s’empressent de témoigner leur attachement à la restauration des Bourbons. Leur projet consiste à élever sur la place des Capucins, aujourd’hui place du Marché aux Fleurs, une statue à la gloire du « martyr de la Révolution », Louis XVI. Ils obtiennent le soutien immédiat du pouvoir central. En effet, le ministère de l’Intérieur consent à fournir un bloc de marbre de Carrare de trois tonnes avec la contrepartie de choisir le sculpteur qui le taillera. Il s’agit d’Achille Valois (1785-1862), fils d’un officier-fruitier de la Reine Marie-Antoinette et d’une petite-fille du peintre de Cour Hubert Drouais. Il est l’élève du peintre Jacques-Louis David et du sculpteur Antoine-Denis Chaudet. Second grand prix de Rome en 1808, il débute au Salon de 1814 avec un buste du Roi Louis XVIII réalisé d’après nature qui est aujourd’hui conservé au Louvre, aile Richelieu. Caporal de grenadiers dans la Garde nationale, ses états de service lui valent d’être décoré de la Fleur de Lys par ordonnance royale en 1814. En mars 1815, il fuit Paris pour ne pas être mis au service de Napoléon. Désirant à tous prix rejoindre Madame Royale et le Duc d’Angoulême, il traverse la France à pied ou à cheval jusqu’à Marseille. Cette fidélité lui vaut d’obtenir le brevet de statuaire de la Duchesse d’Angoulême en février 1816. En 1817, il réalise un second buste en marbre du Roi Louis XVIII qui se trouve aujourd’hui dans la crypte royale de la Basilique Saint-Denis et un buste en marbre de la Duchesse d’Angoulême, conservé au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux. La municipalité ne peut que s’honorer de cette proposition et l’accepte avec reconnaissance. En dépit de très nombreuses commandes, le statuaire dessine un projet de statue monumentale. Il fait parvenir avec son dessin, un devis qui s’élève à plus de 22.692 francs. Le socle, à lui seul, nécessite la bagatelle supplémentaire de 14.550 francs. Mais le corps municipal ne recule devant aucune dépense pour ce geste mémoriel. Dans l’attente de la statue à venir, ses membres inaugurent le socle le 11 novembre 1819. Un retard et un bannissement


Seulement, les montpelliérains doivent attendre dix ans pour voir cette représentation du défunt Roi sur la place des Capucins. En effet, Achille Valois n’entame la réalisation de la statue monumentale dans un bloc de marbre de carrare qui pèse finalement neuf tonnes qu’en 1827 pour l’achever deux ans plus tard, date à laquelle elle peut enfin être inaugurée : le 19 août 1829… Hélas, cette statue tant attendue est victime des aléas de l’Histoire... L’usurpation du duc d’Orléans, qui devient Louis-Philippe Ier après les trois funestes journées révolutionnaires parisiennes de juillet 1830, est pour la mémoire de Louis XVI une nouvelle tragédie… Son souvenir, odieux au fils du régicide, doit disparaître de l’espace public montpelliérain. La statue devient l’objet de querelles entre royalistes et orléanistes et, dès 1831, le 19 juillet, elle est déposée. On l’entrepose alors dans une casemate de la citadelle sur l’Esplanade. A l’ombre des barreaux qui singent cruellement ceux de la prison du Temple, Louis XVI demeure presque oublié de tous près de soixante ans. Le socle, quant à lui, orphelin de son monument, accueille une urne en bois, en l’honneur des « mânes des Héros de juillet ». Le climat languedocien a rapidement raison de cette décoration qui finit par disparaître totalement. Le socle trône encore quelques années au milieu de la place. En 1885, alors que le conseil municipal nourrit d’autres projets pour cette place des Capucins, il décide de le céder. On le propose alors au plus offrant, et le mieux disant consent à l’acheter pour 100 francs ! Un socle de marbre qui avait coûté 150 fois plus... C’est ainsi que disparaît le dernier souvenir de l’effigie monumentale de Louis XVI dans l’espace urbain de Montpellier. En 1900, cette statue de Louis XVI est exposée au musée des Moulages de la faculté des Lettres. Mais elle y demeure peu de temps. En 1913, elle retrouve l’obscurité. On l’abandonne dans les dépôts des archives départementales jusqu’à ce que le conseil municipal vote pour son exil américain… L’exil américain de la statue de Louis XVI En 1966, c’est une expatriation vers les Amériques que François Delmas, Maire de Montpellier, propose à la statue de Louis XVI. Il veut sceller par ce cadeau exceptionnel l’union de jumelage qu’il vient de signer avec la ville de Louisville, capitale de l’état fédéral du Kentucky. La statue traverse donc l’Atlantique et y reçoit les honneurs de la « sister-city » de Montpellier, dont l’emblème est une fleur de lys, le 12 juillet 1967, en présence des deux maires et de l’ambassadeur de France aux Etats-Unis. Historiquement, l'influence de la France sur la cité de Louisville et sa région, notamment à New Albany, aux États-Unis est très importante. Avant même la fondation de Louisville, le lieu abrite un poste avancé français nommé La Belle. Dès l’origine, Louisville est presque entièrement colonisée par des immigrants Français de la région du Rhin. La première vague arrive en 1685 à la suite de la révocation de l'édit de Nantes. Le premier groupe, composé de 15 000 Français, reste sur les rives de l'océan Atlantique. Les premiers colons de Louisville proviennent de la deuxième et troisième générations d'Huguenots nées en Amérique du Nord. La seconde vague se fait durant la période de la révolution américaine, mais une grande partie de celle-ci retourne en France après la guerre. C’est alors que la ville est baptisée du nom du Roi de France libérateur Louis XVI. La troisième vague, composée notamment de nobles et de religieux, arrive durant la révolution française, vers 1793. De nos jours encore, L'Alliance française de Louisville organise des événements relatifs à la France et donne des formations en langue française aux habitants de la ville. Aujourd’hui, les statues de Louis XVI sont très rares en France. On n’en compte plus que trois sur la totalité du territoire national. L’on pourrait regretter que cette statue historique, réalisée à la demande de la Duchesse d’Angoulême par son statuaire personnel pour la ville de Montpellier, classée au titre des Monuments Historiques le 19 mars 1921, ait été déclassée le 24 novembre 1966 afin d’en permettre la sortie du territoire… s’il l’on comptait pour rien le profond lien géniteur qui, par la volonté du Roi Louis XVI, lie la France aux Etats-Unis d’Amérique et autorise naturellement des gestes de cette ampleur ! Sources : blog « Montpellier – Histoire et Patrimoine » de Fabrice Bertrand - Wikipedia



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