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Redistribution d'un article sur le Sacré-Cœur

Mois de juin : le Sacré-Cœur, le roi de France et la France (2)

30 JUIN 2008

Rédigé par Mgr Jacques MASSON et publié depuis Overblog



Louis XIV et le Sacré-Cœur Le Père Eudes a fait entrer la dévotion au Sacré-Coeur dans le palais et la famille de Louis XIV par des prédications à la cour, de 1671 à 1674. En 1674 Eudes reçoit 14.000 livres du Roi pour la construction à Caen de la première église érigée au Sacré-Coeur, et la fête solennelle du Sacré-Coeur est célébrée à Montmartre le 20 octobre. Sept autres églises sont autorisées par le Pape à s’ouvrir et se consacrer au culte du Sacré-Cœur. PUBLICITÉ La demande de Notre-Seigneur se rapportant à la France est-elle arrivée jusqu'au roi [cf. article précédent sur sainte Marguerite-Marie Alacoque] ? Aucun élément ne permettait de le certifier avant la révélation faite à Sœur Lucie de Fatima, en août 1931, à Rianjo (1). Nous pouvons penser à présent que Louis XIV savait exactement ce que Dieu voulait de lui, mais conseillé par un Jésuite qui était défavorable à la réalisation de cette demande, il mourut sans répondre aux demandes du Ciel. Louis XIV ne répondit en effet à aucun des désirs de Notre-Seigneur. Il demeure évident que Notre Seigneur s'est servi de Marguerite-Marie pour donner Son Cœur à la France, et, par la France, à l'Église et au monde. Si Louis XIV avait consacré la France au Sacré-Cœur, celle-ci aurait été certainement sauvée de ceux qui, dans l'ombre, préparaient déjà la Révolution de 1789 et toutes celles qui suivirent. En effet, n'est-il pas frappant de rapprocher ces deux dates :

  • - 17 juin 1689 : Message resté sans réponse de Notre Seigneur Jésus-Christ à Louis XIV ;

  • - 17 juin 1789 : Le Tiers-Etat insurgé se proclame Assemblée constituante et emporte dans le sang et la terreur la Monarchie française.

Quant à l'ordre des Jésuites qui avait été spécialement choisi pour répandre la dévotion envers le Sacré-Cœur et transmettre à Louis XIV ses grands desseins, via le R.P de la Chaise s.j., il fut supprimé au Portugal en 1759, en France en 1764 et en Espagne en 1767. De plus, il fut dissous par le Pape Clément XIV lui-même en 1773. Il faut aussi se rappeler que Louis XIV, dont le règne avait été jusque-là si heureux et si glorieux, vit, dès lors, la victoire abandonner ses armées et les deuils les plus cruels décimer sa famille : de 1708 à 1712 moururent son fils (le Grand Dauphin), ses petits-fils (le duc de Bourgogne et le duc de Berry), la duchesse de Bourgogne qu'il aimait particulièrement, et son arrière petit-fils le duc de Bretagne. Ainsi, en moins de quatre ans, le roi Louis XIV perdit ses trois successeurs ; la France ses trois dauphins. Son descendant Louis XVI mourut sur la guillotine. Mais d’autres rois sont eux aussi responsables de ce qui s’est passé, par leur propre refus. Louis XV La reine Marie Leckzinska suggère, en 1751, l’adoration perpétuelle du Sacré-Coeur dans le Saint Sacrement. Elle obtient du pape Clément XIII, la fête du Sacré-Coeur dans tous les diocèses de France le 17 juillet 1765. Une lettre de la Mère Marie-Hélène Coing, supérieure de la visitation de Paray-le-Monial, adressée le 17 mars 1744 relance le message de 1689. Louis XV reste sourd au message, mais son fils le dauphin Louis fait dédier, dans l’église du Château de Versailles, en 1773, une chapelle au Coeur de Jésus dans la tradition eudiste à laquelle la famille royale participe. Le voeu de Louis XVI L’influence spirituelle des Eudistes sur la famille continue sous Louis XVI avec le Père Hébert, supérieur général des Eudistes et confesseur de Louis XVI. Au moment ou la Révolution met en péril les institutions royales, le prêtre montre au prince le Coeur de Jésus comme un dernier refuge où puisse s’abriter la France et son roi. 1792 : Le 21 juillet, le texte du vœu attribué à Louis XVI est remis au P. Hébert, supérieur général des Eudistes et confesseur du roi, qui en a peut-être été lui-même l'inspirateur. Ce texte aurait été composé dans les premiers mois de l'année 1792. Le Père Hébert fait transcrire le vœu et la consécration par le vicaire de l'église Saint-Louis, auquel il remet les documents originaux avant d'être tué lui-même aux Carmes le 2 septembre 1792. Le vicaire les remettra à son tour à la duchesse d'Angoulême sous la Restauration. « Vœu par lequel Louis XVI a dévoué sa Personne, sa Famille et tout son Royaume, au Sacré-Cœur de Jésus. Vous voyez, ô mon Dieu, toutes les plaies qui déchirent mon cœur, et la profondeur de l'abîme dans lequel je suis tombé. Des maux sans nombre m'environnent de toutes parts. A mes malheurs personnels et à ceux de ma famille, qui sont affreux, se joignent, pour accabler mon âme, ceux qui couvrent la face du royaume. Les cris de tous les infortunés, les gémissements de la religion opprimée retentissent à mes oreilles, et une voix intérieure m'avertit encore que peut-être votre justice me reproche toutes ces calamités, parce que, dans les jours de ma puissance, je n'ai pas réprimé la licence du peuple et l'irréligion, qui en sont les principales sources ; parce que j'ai fourni moi-même des armes à l'hérésie qui triomphe, en la favorisant par des lois qui ont doublé ses forces et lui ont donné l'audace de tout oser. Je n'aurai pas la témérité, ô mon Dieu, de me justifier devant vous ; mais vous savez que mon cœur a toujours été soumis à la foi et aux règles des mœurs ; mes fautes sont le fruit de ma faiblesse et semblent dignes de votre grande miséricorde. Vous avez pardonné au roi David, qui avait été cause que vos ennemis avaient blasphémé contre vous ; au roi Manassès, qui avait entraîné son peuple dans l'idolâtrie. Désarmé par leur pénitence, vous les avez rétablis l'un et l'autre sur le trône de Juda ; vous les avez fait régner avec paix et gloire. Seriez-vous inexorable aujourd'hui pour un fils de saint Louis, qui prend ces rois pénitents pour modèles, et qui, à leur exemple, désire réparer ses fautes et devenir un roi selon votre Cœur ? 0 Jésus-Christ, divin Rédempteur de toutes nos iniquités, c'est dans votre Cœur adorable que je veux déposer les effusions de mon âme affligée. J'appelle à mon secours le tendre Cœur de Marie, mon auguste protectrice et ma mère, et l'assistance de saint Louis, mon patron et le plus illustre de mes aïeux. Ouvrez-vous, Cœur adorable, et par les mains si pures de mes puissants intercesseurs, recevez avec bonté le vœu satisfactoire que la confiance m'inspire et que je vous offre comme l'expression naïve des sentiments de mon cœur. Si, par un effet de la bonté infinie de Dieu, je recouvre ma liberté, ma couronne et ma puissance royale, je promets solennellement : 1° De révoquer le plus tôt possible toutes les lois qui me seront indiquées, soit par le pape, soit par quatre évêques choisis parmi les plus vertueux de mon royaume, comme contraires à la pureté et à l'intégrité de la foi, à la discipline et à la juridiction spirituelle de la sainte Eglise catholique, apostolique, romaine, et notamment la constitution civile du clergé ; 2° De rétablir sans délai tous les pasteurs légitimes et tous les bénéficiers institués par l'Eglise, dans les bénéfices dont ils ont été injustement dépouillés par les décrets d'une puissance incompétente, sauf à prendre les moyens canoniques pour supprimer les titres de bénéfices qui sont moins nécessaires, et pour en appliquer les biens et revenus aux besoins de l'Etat ; 3° De prendre, dans l'intervalle d'une année, tant auprès du pape qu'auprès des évêques de mon royaume, toutes les mesures nécessaires pour établir, suivant les formes canoniques, une fête solennelle en l'honneur du Sacré Cœur de Jésus, laquelle sera célébrée à perpétuité dans toute la France, le premier vendredi après l'octave du Saint-Sacrement, et toujours suivie d'une procession générale, en réparation des outrages et des profanations commis dans nos saints temples, pendant le temps des troubles, par les schismatiques, les hérétiques et les mauvais chrétiens ; 4° D'aller moi-même en personne, sous trois mois à compter du jour de ma délivrance, dans l'église Notre-Dame de Paris, ou dans toute autre église principale du lieu où je me trouverai, et de prononcer, un jour de dimanche ou de fête, au pied du maître-autel, après l'offertoire de la messe, et entre les mains du célébrant, un acte solennel de consécration de ma personne, de ma famille et de mon royaume au Sacré Cœur de Jésus, avec promesse de donner à tous mes sujets l'exemple du culte et de la dévotion qui sont dus à ce Cœur adorable ; 5° D'ériger et de décorer à mes frais, dans l'église que je choisirai pour cela, dans le cours d'une année à compter du jour de ma délivrance, une chapelle ou un autel qui sera dédié au Sacré Cœur de Jésus, et qui servira de monument éternel de ma reconnaissance et de ma confiance sans bornes dans les mérites infinis et dans les trésors inépuisables de grâces qui sont renfermés dans ce Cœur sacré ; 6° Enfin, de renouveler tous les ans, au lieu où je me trouverai, le jour qu'on célébrera la fête du Sacré-Cœur, l'acte de consécration exprimé dans l'article quatrième, et d'assister à la procession générale qui suivra la messe de ce jour. Je ne puis aujourd'hui prononcer qu'en secret cet engagement, mais je le signerais de mon sang s'il le fallait, et le plus beau jour de ma vie sera celui où je pourrai le publier à haute voix dans le temple. 0 Cœur adorable de mon Sauveur ! Que j'oublie ma main droite et que je m'oublie moi-même, si jamais j'oublie vos bienfaits et mes promesses, et cesse de vous aimer et de mettre en vous ma confiance et toute ma consolation. Ainsi soit-il. » Ce voeu, balayé dans la tourmente antichrétienne, ne peut être réalisé. La Révolution traque les croyants. Au cours des massacres de Septembre (1792) de nombreuses victimes portent des images représentant deux coeurs percés de flèches dans une couronne d’épines, surmontés d’une croix, avec pour inscription : « Coeurs-Sacrés, protégez-nous ». Louis XVIII Marie de Jésus (1797-1854) appartient à la congrégation des chanoinesses de Saint-Augustin. Sans avoir connaissance des révélations de Marguerite-Marie, les communications célestes qu’elle reçoit corroborent les révélations de Paray-le-Monial. Dans son extase du 3 mai 1822 Jésus lui dit : "que le vœu de Consécration de la France au Sacré-Cœur, attribué à Louis XVI, était bien de Lui, qu’il désirait ardemment que le vœu fût exécuté, c’est-à-dire que le Roi consacrât sa famille et tout son royaume à son divin Cœur, comme autrefois Louis XIII à la Sainte Vierge ; qu’il en fit célébrer la fête solennellement et universellement tous les ans, le vendredi après l’octave du Saint-Sacrement et qu’enfin il fit bâtir une chapelle et ériger un autel en son honneur. A cette condition le roi, la famille royale et la France entière recevront les plus abondantes bénédictions". L’apparition du 21 juin 1823 en la fête du Sacré-Cœur, le vendredi après l’octave du Saint-Sacrement, ordre est donné de les communiquer au roi Louis XVIII. "La France est toujours bien chère à mon divin Cœur et elle lui sera consacrée. Mais il faut que ce soit le Roi lui-même qui consacre sa personne, sa famille et tout son royaume à mon Divin Cœur, et qu’il lui fasse, comme je te l’ai dit, élever un autel comme on en a élevé un déjà en l’honneur de la Sainte Vierge. Je prépare à la France un déluge de grâces, lorsqu’elle sera consacrée à mon divin Cœur. Les outrages faits à la majesté royale ont été réparés publiquement et les outrages sans nombre que j’ai reçus dans le sacrement de mon amour n’ont pas encore été réparés ! Je prépare toutes choses, la France sera consacrée à mon divin Cœur, et toute la terre se ressentira des bénédictions que je répandrai sur elle. La foi et la religion refleuriront en France par la dévotion à mon Divin Cœur". Mais Louis XVIII ne réalise pas le vœu de consécration au Sacré-Cœur. La guerre 1870-1871 Les désastres français d’août 1870 font reprendre du service aux Zouaves pontificaux rebaptisés « Volontaires de l’Ouest » sous le commandement du colonel de Charette. Le 10 octobre, ils arrivent au Mans et le 14 octobre, se consacrent publiquement au Sacré-Coeur en prononçant la formule : "Jésus, Roi immortel des siècles, des peuples et des rois, désirant réparer les outrages que l’impiété vous prodigue dans le Sacrement de votre amour et dans la personne, de votre vicaire, Notre Saint-Père le Pape, je consacre à votre divin Coeur ma personne, ma famille et, autant qu’il dépend de moi, la France, fille aînée de ce Coeur Sacré, et l’Eglise universelle notre mère". Le 24 novembre, le général de Sonis est nommé à la tête du 17e corps d’armée dont font partie les 600 « Volontaires ». Ce spahi très pratiquant a pour emblème sur son fanion une croix héraldique blanche sur fond bleu mais souhaite un emblème religieux plus marqué. Le ler décembre au cours d’une rencontre avec Charette, ce dernier évoque une bannière portant l’image du Sacré-Coeur et relate son histoire. Fin septembre, en pleine déroute militaire, deux Bourguignons, l’abbé Victor de Musy et son cousin Louis de Montagu se souviennent du message de Marguerite-Marie assurant que le Coeur de Jésus sauvera la France. Aussitôt l’abbé fait exécuter à ses frais un drapeau du Sacré-Coeur avec l’invocation : «Coeur de Jésus, sauvez la France !» et demande son envoi au général Trochu, catholique, breton, ayant pour devise : « Avec l’aide de Dieu pour la Patrie », Trochu, chef du gouvernement de la Défense nationale, assiégé dans Paris, ne peut rien recevoir. La bannière est alors adressée à. M. Dupont, à Tours, où réside la délégation gouvernementale, avec charge de la confier à Charette. CeIui-ci accepte et, alors que l’étendard a déjà touché les reliques de Marguerite-Marie, le fait toucher aux reliques de saint Martin et demande qu’on brode à l’envers cette requête : « Saint-Martin, patron de la France, priez pour nous ». Le 2 décembre 1870 de Sonis change d’avis, la bannière ne sera pas son fanion mais le drapeau du régiment Charette. Appelé au secours le 17e corps de Sonis arrive de Paray à marches forcées. Le général de Sonis ne pouvant renvoyer les fuyards au combat s’écrie : « Puisque vous ne savez pas mourir pour la France, je vais déployer devant vous le drapeau de l’honneur ! ». II demande à Charette de lui apporter la bannière. Trois cents Zouaves suivent le général aux cris de : « Vive Pie IX ! Vive la France ». Cinq cents hommes se joignent à la troupe. L’Elan est irrésistible, les Allemands reculent, les Zouaves atteignent Loigny, le drapeau du Sacré-Coeur flotte au milieu de la rue, en tête des assaillants, en pleine mitraille. Mais l’ennemi s’aperçoit de leur nombre, contre-attaque. Cent quatre-vingt-dix-huit Zouaves sont hors de combat, de Sonis et Charette blessés ; l’étendard du Sacré-Coeur change cinq fois de mains, rouge de sang. Héroïsme inutile ? Le 4 Orléans est perdu, l’armée de la Loire désagrégée. Pour la première fois dans l’histoire de France - en dehors des guerres de Vendée - le drapeau du Sacré-Coeur paraît sur un champ de bataille. Le 17 janvier 1871, les Allemands sont aux portes de Laval. A Pontmain, à 50 kilomètres au nord, la Vierge apparaît à 18 h 45 à des enfants et leur dit : « Priez mes enfants, Dieu vous exaucera dans peu de temps, mon Fils se laisse toucher ». Le 17 janvier, Mgr David, Evêque de Saint-Brieuc, adresse un voeu à Notre-Dame d’Espérance ; Mgr Fournier évêque de Nantes promet d’élever une église au Sacré-Coeur si la ville et le diocèse échappent à l’invasion. Le général von Schmidt reçoit l’ordre de se rendre sur la Seine au lieu de pénétrer dans Laval. Ce changement de tactique injustifié, arrêt de la poursuite d’anéantissement, fait dire à Von Schmidt : « C’est fini, nous n’irons pas plus loin, là-bas du côté de la Bretagne une Dame invisible nous a barré la route »... La basilique du Sacré-Coeur de Montmarte Pendant la guerre de 1870 les vœux de constructions d’églises dédiées au Sacré-Cœur connaissent un développement parallèle aux consécrations de diocèses. Ces vœux sont souscrits par les villes au cas où elles seraient préservées de l’invasion allemande. Le 6 octobre 1870, Mgr Pie, évêque de Poitiers, explique en chaire : Le crime qui nous attire de si cruels châtiments c’est le crime public, le crime social, le crime national. Élevons nos cœurs vers le Cœur de Jésus pour lui faire une consécration personnelle, domestique, nationale. Le 8 décembre 1870, deux Parisiens exilés à Poitiers, Alexandre Legentil et son beau-frère Hubert Rohault de Fleury, font le vœu de faire ériger une église dédiée au Sacré-Cœur à Paris. Mis en contact avec le P. Ramière directeur du « Messager du Sacré-Cœur de Jésus », M. Legentil lance dans cette revue, en janvier 1871, l’idée qui deviendra le Vœu national. Le 18 janvier 1872, Mgr Guibert, Archevêque de Paris, approuve le projet. Le 5 mars 1873, il adresse une lettre au ministre des Cultes demandant « qu’un temple, élevé pour rappeler la protection divine sur la France et particulièrement sur la Capitale, soit placé dans un lieu qui domine Paris et puisse être vu de tous les points de la cité ». Le choix de Montmartre « Montagne des Martyrs » s’explique parce que « c’est là que saint Denis et ses compagnons de martyre ont répandu, avec leur sang, les premières semences de la foi chrétienne, qui ont fructifié si rapidement dans la Gaule septentrionale ». Le 25 juillet 1873 le projet de loi tendant à déclarer d’utilité publique la construction d’une église sur la colline de Montmartre est adopté par 382 voix contre 138 à l’Assemblée. Le 31 juillet, le pape Pie IX reconnaît que par ces faits la France implore la miséricorde de Dieu et lui confirme son ancien honneur de Fille Aînée de l’Eglise. La construction de la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre réalisée par souscription correspond à une des demandes de Marguerite-Marie. Conclusion Il faut attendre le XVIIe siècle pour que le culte du Sacré-Cœur trouve son autonomie. Auparavant le culte rendu au Cœur de Marie ne se distinguait pas du culte rendu au Cœur de Jésus. Jean Eudes associe les deux cultes de la Mère et du Fils. Puis Sainte Marguerite-Marie Alacoque promeut le culte du Sacré-Cœur qui devient culte public. Au moment où l’Église catholique se heurte au jansénisme, au gallicanisme, l’apparition de ce nouveau culte insuffle un nouvel esprit, un retour aux sources. La royauté de droit divin ne réagit pas, Louis XIV qu’il ait ou non reçu le message, fait rédiger la déclaration des Quatre Articles, étend la Régale pour renforcer son pouvoir absolu. La royauté pratique une certaine dévotion au Sacré-Cœur, " traditionnelle " puisque Jésus est le Fils de Dieu et le Fils de Marie mais non particulière, spécifique. Église et royauté ne profitent pas de cette nouvelle dévotion pour relancer la christianisation du peuple français. Il faut attendre le milieu du XIXe siècle et le Second Empire pour que le culte du Sacré-Cœur connaisse un essor important. La fête du Sacré-Cœur et les consécrations, églises, diocèses, communes, consécration universelle, tentent de conquérir ou reconquérir une population en pleine mutation sociale, industrielle. La consécration des familles symbolise un retour à une pratique plus personnelle que publique. La guerre de 1870-1871 opère une cassure et une relance du message de 1689. Dès 1873 la construction de la basilique de Montmartre, reconnue d’utilité publique, payée par souscription, représente bien le temple élevé au Sacré-Cœur. A partir de 1890, nombre d’associations catholiques ont un drapeau écussonné au Sacré-Cœur. Paradoxalement le culte du Sacré-Cœur se développe sous la IIIe République. La dévotion au Sacré-Cœur connaît son apothéose en 1917. Insignes, fanions, drapeaux circulent au front par millions; l’Eglise développe l’Intronisation du Sacré-Cœur dans les familles, autre forme de consécration. En 1919, la France reconstruit ses régions dévastées, pleure ses morts. Une nouvelle France apparaît, vainqueur au prix d’un holocauste, en état de choc, souhaitant la " der des der ". Les préoccupations ne sont pas spirituelles, encore moins religieuses, il faut gagner la paix, construire une société civile plus juste. La paix religieuse s’instaure, les catholiques ont bien mérité de la patrie, même les prêtres sont morts au champ d’honneur. Aussi la basilique de Montmartre fête-t-elle sa consécration du 16 au 19 octobre 1919, consécration interrompue par la guerre. Le cantique chanté le jour de la dédicace s’intitule " Merci mon Dieu ! Le Sacré-Cœur et la France ". La France élue de Dieu est sauvée par le Christ qui lui a donné la victoire comme jadis à Clovis et Jeanne d’Arc. Cette cérémonie nationale, qui rassemble l’épiscopat français et le légat du Pape, on note l’absence des autorités civiles. Marguerite-Marie Alacoque et Jeanne d’Arc sont canonisées le 13 mai 1920 par le pape Benoît XV. Le patriotisme religieux français reconnu par le Pape, confirme le rôle de la dévotion au Sacré-Cœur, y compris le drapeau par les références à ces saintes, et donne une impulsion nouvelle au culte en développant le pèlerinage de Paray-le-Monial. Le successeur du pape Benoît XV, Pie XI, reprend dans son encyclique "Miserentissimus Redemptor" la vraie dévotion au Sacré-Cœur. Entre les deux guerres, dans la foulée de la Victoire, les consécrations au Sacré-Cœur continuent, liées à la fête du Christ-Roi. Cette vie dynamique se développe à Montmartre face aux périls idéologiques. La question du drapeau reparaît en 1940, pendant la « drôle de guerre ». Mgr Flans, recteur de la Basilique, écrit dans la revue « Montmartre » de mars 1940 : « C’est comme pendant la guerre de 1914-1918, de toutes parts nous parviennent des invitations à lancer un mouvement en faveur de l’apposition du Sacré-Cœur sur le drapeau national ». Le 19 mai, à Notre-Dame de Paris, le gouvernement assiste à une cérémonie, une procession des reliques de sainte Geneviève se déroule à Paris. Cette piété publique, officielle, impensable vingt ans plus tôt, trouve son apogée le samedi 1er juin 1940 à Montmartre. Le cardinal Suhard, nouvel archevêque de Paris, consacre Paris et la France aux Sacrés-Cœurs de Jésus et Marie sur demande du gouvernement. Le chroniqueur de « Paris Soir » du 2 juin l940, écrit : « Au premier rang des 50.000 fidèles, on reconnaissait Mme Lebrun, les ministres Sarraut, Marin, Ybarnegaray, Rollin, Héraud et Robert Schumann, les généraux Gouraud et de Castelnau ».. Le Maréchal Pétain, vice-président du Conseil, (cosignataire avec Malvy de la « Note aux armées » d’août 1917) n’assiste pas à la cérémonie. Le Sacré-Cœur est entré dans l’Histoire de France comme un cheval de Troie. A chaque période dramatique certaines dévotions reviennent d’actualité. En ce qui concerne la Grande Guerre le temple existait, les consécrations ont toutes été faites, familles, patrie, mais par les autorités religieuses seules, la fête du Sacré-Cœur s’est bien déroulée le vendredi après l’octave, le drapeau du Sacré-Cœur a bien été déployé sur le champ de bataille, béni par les aumôniers. Par rapport au message de Marguerite-Marie il ne manque que la participation des autorités civiles. La République Française, neutre en affaires religieuses depuis 1905, gardera cette ligne de conduite. Depuis la Seconde Guerre mondiale la dévotion au Sacré-Cœur rencontre la même foi même si elle paraît plus discrète. La pratique du Sacré-Cœur perdure dans la foi catholique et le Sacré-Cœur de Montmartre compte environ 10.000 adorateurs. Mgr Jacques MASSON

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